Récemment, l’accord économique et commercial global entre l’Union Européenne et le Canada, connu sous le nom de CETA, a fait l’objet de fortes critiques qui font écho à celles portées contre l’accord UE/États-Unis en cours de négociation (TTIP ou TAFTA). Il me semble donc nécessaire de rétablir la réalité des choses pour éviter des amalgames trompeurs.
Le CETA est un accord de commerce équilibré avec un allié important. Les demandes de la France ont été prises en compte. Nous pouvons être satisfaits des résultats tant sur les aspects tarifaires (droits de douane), que sur un accès amélioré aux marchés publics, la reconnaissance des indications géographiques ainsi que le remplacement du mécanisme d’arbitrage privé Investisseurs/États par l’instauration d’une Cour de justice publique.
Dans le CETA, la France voit ses intérêts respectés. Aucune ligne rouge n’est franchie. Aucune norme sociale ou environnementale n’est ou ne sera remise en cause.
Pour le présent, les garanties sont claires :
- L’accord ne remet en cause aucune norme environnementale et sociale européenne. Nos lignes rouges ont été intégralement respectées : pas de bœuf aux hormones, pas d’OGM, par exemple.
- Aucun nivellement vers le bas des normes n’est possible dans le cadre du forum de coopération réglementaire. En effet, ce forum n’établit qu’un dialogue entre l’UE et le Canada, il n’adopte pas de normes. En matière de coopération règlementaire, le droit à réguler est garanti et les États peuvent toujours renforcer leur législation interne dans un sens protecteur.
- Seules les entreprises qui exercent réellement une activité au Canada, quelle que soit leur nationalité d’origine, peuvent bénéficier du Traité. Pas de droits pour les coquilles vides.
Pour le futur, nous aurons avec nos partenaires canadiens un dialogue régulier sur les réglementations et normes que nous adoptons, avec pour objectif de fixer les standards sociaux et environnementaux les plus exigeants (qui ne sont pas toujours européens).
Le CETA est un accord gagnant pour l’économie française, très différent de la négociation en cours avec les États-Unis. En effet, le Canada consent à ouvrir ses marchés publics, à tous les niveaux (fédéral, provinces). Les États-Unis, eux, ne font pas d’offre sérieuse sur ce sujet.
Le Canada reconnaît également 173 indications géographiques (IG) / appellations d’origine, dont 42 pour la France, en plus des appellations viticoles déjà reconnues dans un accord datant de 2004. Marques et IG peuvent coexister, ce que les États-Unis refusent de reconnaître.
Certains dénoncent le fait que toutes nos IG ne sont pas protégées par l’accord : auparavant, aucune IG n’était reconnue et toute usurpation était possible. Ce sont les IG les plus exposées à l’usurpation qui sont protégées dans le CETA.
Le Canada ouvre ses marchés pour l’industrie et les services. Les exemples positifs sont nombreux. Dans le textile, les entreprises européennes sont aujourd’hui sous-représentées (7 % du marché canadien seulement) : elles gagneront des parts de marché. Dans les services, les avancées sont majeures dans les secteurs des services financiers ou des télécommunications. De leur côté, les Etats-Unis ne consentent pour le moment qu’à des concessions symboliques en la matière.
En ce qui concerne l’arbitrage privé investisseur/État, le CETA rompt avec ce principe discrédité en le remplaçant par un modèle basé sur une Cour publique.
Il faut rétablir la chronologie et les faits : les tribunaux d’arbitrage investisseur/État sont apparus dans les années 50. Il en existe 3500 dans le monde. Ils connaissent des dérives majeures en remettant en cause des décisions souveraines prises par les Gouvernements pour mener leurs politiques publiques (santé, environnement). Au nom de la France, Matthias FEKL, a porté en 2015 un projet de remplacement de ces tribunaux par une Cour permanente publique, garantissant le droit à réguler, transparente et dotée d’un appel. La Commission a repris ces principes. En 2016, le Canada a accepté ce système dans le CETA.
La Cour rompt avec les tribunaux privés qui étaient favorables aux investisseurs. Le CETA crée une nouvelle institution, une juridiction publique avec des juges dont la déontologie est strictement encadrée. Le droit a été modifié pour rendre impossible la remise en cause des politiques publiques par les investisseurs, en assurant notamment le droit à réguler des Etats.
La reprise par le Canada de la proposition européenne renforce la crédibilité de la proposition de Cour de justice des investissements multilatérale, proposée et portée par la France depuis 2015.
Au niveau du secteur agricole, le CETA ouvre largement le marché canadien à nos produits agricoles et agroalimentaires, ce qui permettra aux entreprises européennes et françaises de se développer. Les droits de douane canadiens seront supprimés pour 92 % des produits. Sur les fromages, le Canada a accepté l’importation d’un quota de 18 500 tonnes de fromages européens par an exempts de droits de douane, alors que ces produits font aujourd’hui l’objet de droits de douane très élevés. C’est une victoire majeure !
Des contingents d’importation de viande canadienne sont maintenus pour la viande de volaille, certains produits laitiers, les œufs et certaines céréales. Sur la viande bovine, les exportations du Canada vers l’Union européenne ne sont pas entièrement libéralisées puisqu’un quota annuel de 45 840 tonnes de viande canadienne de bœuf (0,6 % de la production européenne) est prévu. Au-delà de ce volume, les droits de douane sont maintenus.
Enfin, pour la France, la ratification de l’accord par les Parlements est indispensable. Le CETA est un accord « mixte », c’est-à-dire qu’il couvre des domaines relevant des compétences communautaires et nationales. En conséquence, les Parlements nationaux doivent impérativement être saisis au titre des compétences nationales pour ratification et se prononceront sur l’ensemble de l’accord.
En Europe, la Commission et certains États membres laisseraient entendre que l’accord CETA ne serait pas « mixte ». Pour eux, l’étape parlementaire nationale est superflue. Je refuse cette approche qui retire un droit fondamental aux élus nationaux.
L’accord sera soumis en 2016 par la Commission européenne au Conseil de l’UE pour signature puis au Parlement européen pour approbation. Après approbation par le Parlement européen, l’application provisoire sera effective sur les seules matières qui relèvent de la compétence communautaire. A compétence communautaire, validation communautaire. Pour la France, la ratification par les Parlements nationaux doit ensuite intervenir.
Plus généralement, la France est attachée au contrôle démocratique de la politique commerciale. La démocratie ne peut se contenter d’un vote final qui adopte ou rejette. Il faut dialoguer en amont. Matthias FEKL s’est ainsi engagé pour une transparence approfondie : dialogue renforcé avec l’ensemble des élus et de la société civile au sein du Comité de suivi stratégique (CSS) de la politique commerciale, information continue du Parlement, multiplication des débats publics, politique de mise en ligne de documents, lancement de groupes de travail.
Le Canada a qualifié cet accord d’historique et souhaite que le CETA puisse entrer en vigueur. Au regard des intérêts que représente cet accord et des possibilités ouvertes aux entreprises françaises, je partage cette appréciation.